Evolution des modes de travail, défis managériaux : comment accompagner entreprises et travailleurs ?

délégation aux entreprises rapport du Senat

La délégation aux entreprises du Senat a publié son rapport le 8 juillet dernier. RhinfoGE vous présente ici un extrait relatif aux Groupements d’Employeurs.

Il s’agit du 3ème grand axe, dont l’objectif est d’encourager le développement des outils en faveur de l’emploi.

SOMMAIRE

  • RECOMMANDATIONS

  • CONDITIONS

  • CONTRIBUTIONS DE LA FNGE

Les recommandations qui visent à lever les obstacles au développement des GE

– Prévoir la possibilité de prise en charge, par l’AGS, des créances salariales en cas de défaillance d’entreprises membres d’un Groupement d’Employeurs ;

– Simplifier de façon définitive la comptabilisation des effectifs, qui aujourd’hui sont évalués de 4 façons différentes selon les interlocuteurs administratifs ;

– Instituer, au sein de France Compétences, un guichet unique pour les Groupements d’Employeurs (GE) afin de simplifier la prise en charge des formations par les opérateurs de compétences (OPCO) et la connaissance de ces acteurs ;

– Fixer des objectifs d’accompagnement des Groupements d’Employeurs dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) des OPCO.

Assouplir les conditions de recours à un Groupement d’Entreprise

     Quant aux groupements d’employeurs (GE), ils ont été créés par la loi du 25 juillet 1985 et sont définis aux articles L. 1253-1 et suivants du code du travail.

     Le groupement d’employeurs repose sur l’initiative d’acteurs économiques pour répondre à leurs besoins de compétences. L’emploi est créé par le regroupement d’entreprises solidaires, adhérentes, qui mobilisent la main d’oeuvre via la mise à disposition des salariés du GE qui partagent leur temps de travail entre ses adhérents.

     Le groupement d’employeurs peut en particulier permettre aux TPE et aux PME de faire face aux fluctuations d’activité, à la saisonnalité, aux difficultés de recrutement et de mobilisation de compétences spécifiques sur certains territoires ou pour certains métiers. Il représente un modèle vertueux qui garantit d’un côté la flexibilité indispensable aux PME et la sécurité de l’emploi aux travailleurs puisque 75 % des emplois sont à temps complet et 70 % des salariés en CDI.

     Le processus de recrutement débute souvent par l’expression d’un besoin en compétence d’une entreprise adhérente. Le GE s’efforce alors de trouver le profil adéquat, embauché souvent à temps partiel dans un premier temps. Puis, si le travailleur le désire, il va souvent trouver l’opportunité de travailler pour plusieurs employeurs car le GE va faire sa promotion auprès des autres adhérents susceptibles d’être intéressés par ses compétences.

     Comme l’ont rappelé tous les acteurs des groupements d’entreprise rencontrés par la Délégation, cette formule permet aux travailleurs de trouver à la fois la stabilité mais également la diversité des expériences propice à leur épanouissement personnel. Nombreux sont les travailleurs qui disent ne pas vouloir se cantonner à un seul employeur et une seule entreprise. Certains cumulent d’ailleurs des métiers différents dans une même semaine, comme l’a indiqué le dirigeant de Clef Job, formidable GE multisectoriel qui devrait passer de 600 à 1 000 salariés en CDI au cours de cette année en misant sur des recrutements de terrain dans les zones défavorisées de Seine-Saint-Denis.

     Pour résumer les avantages de cette organisation originale, le GE est un moyen pour l’entreprise adhérente :

– De faire face aux fluctuations d’activité, à la saisonnalité, aux difficultés de recrutement (notamment pour les TPE et PME) et de mobilisation de compétences spécifiques sur certains territoires ou pour certains métiers connaissant des difficultés de recrutement (logistique, bâtiment, etc.) ;

– D’avoir accès à une main-d’oeuvre qualifiée qu’elle pourra fidéliser dans des contextes de fluctuation ou d’intermittence de l’activité, ou de besoin de compétences très spécifiques – qualiticien, chargés de communication, etc. ;

– De bénéficier de l’effet réseau : les entreprises du groupement sont partie-prenantes de la gouvernance du GE et solidairement responsables des dettes du groupement à l’égard de ses salariés et des organismes créanciers ; les entreprises du groupement sont en relation avec les acteurs socio-économiques du territoire (branches, collectivités, services de l’État) ;

– De bénéficier d’une offre de services interne dédiée à la coordination des emplois, à la sécurisation des recrutements et à la gestion des ressources humaines. Les entreprises sont déchargées des tâches administratives.

     Le GE est également un moyen pour les salariés :

– D’avoir une relation d’emploi stable avec un employeur unique doté de compétences en matière de gestion des ressources humaines (ce qui permet d’alléger la gestion en situation de pluriactivité et de consolider l’emploi sur un temps plein en CDI) ;

– De bénéficier d’un meilleur accès aux droits via un contrat de travail unique (couverture sociale, formation professionnelle, prévoyance, convention collective, dispositifs d’intéressement et de participation) ;

– De sécuriser son emploi en bénéficiant de la répartition des effets des aléas économiques liée à l’existence d’un collectif d’entreprises solidaires;

– De bénéficier d’une parité de traitement avec les salariés des entreprises dans lesquelles ils sont mis à disposition ;

– D’enrichir leur parcours professionnel (les différentes expériences et la confrontation à des environnements de travail diversifiés favorisent l’acquisition de compétences transversales et donc transférables).

     Un GE peut être constitué sous différents statuts, association loi 1901 ou société coopérative relevant de la loi du 10 septembre 1947 portant statut général de la coopération et de la loi du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d’économie sociale. Sont également considérées comme des groupements d’entreprises, les sociétés coopératives existantes qui développent, au bénéfice exclusif de leurs membres, des activités répondant à la définition d’un groupement d’employeurs.

     Même si aucun suivi statistique n’est assurée, une étude Geste / DGEFP de 2016 a permis d’identifier 3 711 GE agricoles, 711 GE non agricoles, pour un nombre total de 46 000 salariés environ.

     Cette organisation du travail, qualifiée de « solution d’avenir » par de nombreux acteurs économiques favorables au développement d’un emploi stable au sein des territoires, rencontre pourtant des obstacles à son développement.

     Même si la loi « Travail »71(*) de 2016 a permis au groupement d’employeurs de bénéficier des aides publiques en matière d’emploi et de formation professionnelle dont auraient bénéficié leurs entreprises adhérentes si elles avaient embauché directement les personnes mises à leur disposition, de nombreux aspects méritent encore d’être creusés.

     Une proposition de loi n°2679 a d’ailleurs été déposée le 11 février 2020 et renvoyée à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Elle visait à favoriser le développement des groupements d’employeurs et reprend plusieurs propositions du CESE dans son rapport72(*) de 2018.

     L’objet du présent rapport n’est pas de détailler les obstacles concrets qui sont présentés à la fois par le CESE mais également dans les contributions écrites présentées en annexe du présent rapport. On peut toutefois apporter quelques précisions concernant trois sujets :

– Les GE multisectoriels peuvent rencontrer des obstacles pour obtenir, auprès des OPCO, le financement de formations à des métiers relevant de secteurs très différents. Cette difficulté, soulevée par une partie des représentants des GE, est d’autant plus grande lorsqu’un même travailleur a besoin de se former à des métiers différents qu’il va exercer concomitamment. Les logiques d’identification des besoins en formation ne semblent pas adaptées aux évolutions du monde du travail décrites plus haut. Les difficultés risquent de s’accentuer comme cela est détaillé dans le tableau ci-dessous :

Contribution de la FNGE (Fédération Nationale des Groupements d'Employeurs).

LA PROBLÉMATIQUE DU FINANCEMENT DE LA FORMATION POUR LES GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS

Aujourd’hui, cette situation est potentiellement « floutée » pour les 3 raisons principales suivantes :

  • Le dispositif « FNE73(*) » (fonds national de l’emploi) a permis de larges actions de formation durant la crise sanitaire (ou certains GE ont été mis en sommeil du fait de l’activité partielle en 2020) ;
  • De nombreux adhérents de la FNGE parviennent encore à collaborer avec un des OPCO anciennement liés à l’interprofessionnel (AKTO anciennement OPCALIA dans 40% des cas) et non l’OPCO de la convention collective nationale (CCN) de leur GE ;
  • Le rattachement de l’OPCO lié à CCN du GE ne sera appliqué stricto sensu qu’en 2022 par l’URSSAF qui sera alors chargée du recouvrement des cotisations formation et appliquera automatiquement les textes.

Dès lors, les besoins des GE multisectoriels en matière de formation ne seront plus pris en compte de façon aussi adaptée que par le passé.

Exemples : un GE appliquant la CCN « pâtisserie industrielle » qui demande à financer la formation de son directeur pour suivre le diplôme Manager de Groupement d’Employeurs se verrait essuyer un refus. Même risque pour ce GE pour une demande de contrat de professionnalisation pour un diplôme agricole pour un salarié à disposition d’une entreprise adhérente….

En tant qu’acteur de la sécurisation des parcours professionnels, les GE consacrent en moyenne 6 % de leur masse salariale brute à la formation (Étude Asparagus – UGEF – OPCALIA – 2011). Cela démontre l’importance de la formation dans leur activité qui est aujourd’hui renforcée dans le contexte de pénurie de compétences que nous connaissons. En 2022, ils se verront refuser l’accès aux conseils en ingénierie que leur consacraient les OPCO de l’interprofessionnel et à une partie des prises en charge financières. C’est ce que nous constatons d’après le témoignage de GE qui ont déjà changé d’OPCO : absence de relations directes avec les conseillers des OPCO, traitement à distance de leurs demandes de prise en charge, application des textes sans recherche de solutions, pas d’actions collectives….

Source : FNGE (fédération nationale des groupements d’employeurs).

La FNGE a produit 2 dossiers :

        •  la problématique de la garantie des salaires,
        • la complexité du décompte des effectifs.

Pour y accéder, cliquez sur les liens suivants :