Christelle VERDIER
Avocate en droit social, Spécialiste en droit du travail, Praticienne droit collaboratif
Congés payés et maladie
1) Selon le droit français, l’acquisition des congés payés est liée à l’exécution d’un travail effectif ou du temps assimilé à du temps de travail effectif (articles L.3141-3 et L.3141-5 du Code du travail).
Pour le droit européen, le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel. Selon la Cour de justice de l’Union européenne, dite CJUE, le salarié acquiert des congés payés pendant les arrêts de travail pour maladie.
Dans ce cadre, par plusieurs arrêts en date du 13 septembre 2023, la Cour de Cassation a écarté le droit français au profit du droit européen.
A ce titre, elle a considéré notamment qu’un salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel acquiert des congés payés, ou encore que le salarié victime d’un accident du travail ou maladie professionnelle dont le contrat de travail a été suspendu au-delà d’une durée ininterrompue d’un an peut prétendre à des congés payés au titre de cette période (Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-17.340 et n°22-17.638).
Cette solution est susceptible de s’appliquer dès maintenant aux litiges en cours.
D’ailleurs, depuis, plusieurs Cours d’appel ont d’ores et déjà suivi la position de la Cour de Cassation (CA PARIS, 27 septembre 2023, n°21/01244 et 12 octobre 2023, n°20/03063 ; CA VERSAILLES 25 octobre 2023, n°21/02398).
2)Dans ce contexte, la question se pose de savoir à partir de quand débute le délai imparti au salarié pour réclamer un rappel de congés payés, sachant que la prescription en matière salariale est de 3 ans.
Dans le troisième arrêt du 13 septembre 2023 (n°22-10.529), la Cour de cassation a jugé que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.
Ainsi, il appartient à l’employeur de mettre le salarié en mesure de prendre effectivement ses congés et d’apporter la preuve qu’il a tout mis en œuvre pour ce faire. A défaut, la prescription n’aurait pas commencé à courir.
Ce qui fait peser sur l’employeur un risque non négligeable et une insécurité juridique certaine puisqu’un salarié pourrait effectuer une demande au titre d’une période antérieure aux trois dernières années, pouvant selon certaines sources, remonter au 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne donnant force juridique contraignante à l’article 31 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne).
3) Les organisations patronales ont interpellé le gouvernement pour qu’il intervienne. A ce jour, l’exécutif n’a pas arrêté sa position, mais des travaux sont en cours selon celui-ci.
De même, la Cour de cassation a transmis, le 15 novembre 2023, au Conseil constitutionnel, deux questions prioritaires de constitutionnalité tant sur la question de savoir si les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5°, du code du travail portent atteinte au droit à la santé et au repos, que sur le fait de savoir si le second article ci-dessus mentionné porte atteinte au principe d’égalité selon la nature professionnelle ou non de la maladie (délai de réponse de 3 mois).
4) A ce jour, la question d’une régularisation ou non se pose, à savoir soit attendre des annonces gouvernementales, soit procéder à une régularisation à compter du 13 septembre dernier, soit au titre d’une période antérieure.
Nous sommes à la disposition des entreprises pour examiner chaque situation.