En tant que chef d’entreprise, il s’avère essentiel de maîtriser les règles et principes applicables en matière de contrôle du temps de travail. Si le Code du travail impose un certain nombre d’obligations à ce titre, de nombreux contentieux devant la juridiction sociale sont initiés par des salaries qui réclament le paiement d’heures supplémentaires qu’ils estime avoir réalisées.
Aussi, la problématique doit être appréhendée au mieux.
Origine
Les entreprises ont l’obligation de contrôler le temps de travail journalier des salariés.
Cette obligation résulte notamment de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989 qui pose le principe de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et de la directive n° 2003/88du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
En droit interne, les dispositions relatives au contrôle de la durée du travail découlent de l’article 23 de la loi 91-1 du 3 janvier 1991 et du décret 92-1323 du 18 décembre 1992. Ce dernier texte est désormais codifié aux articles D 3171-1 à D 3171-15 du Code du travail.
La Cour de justice de l’union européenne impose la mise en place d’un système de décompte journalier du temps de travail (CJUE 14-5-2019 aff. 55/18).
Obligations de l’employeur
Dans le cadre défini ci-avant, l’employeur doit établir certains documents. Ceux-ci prennent des formes différentes en fonction du temps de travail appliqué dans l’entreprise :
Soit celle de l’horaire collectif:
- Cas visé : tous les salariés occupés dans un service ou un atelier travaillent selon le même horaire collectif ;
- Celui-ci est affiché sur les lieux de travail;
- L’horaire affiché doit mentionner les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos ;
- Le contenu de l’affichage obligatoire est complété par des informations plus détaillées dans certains cas (exemple : application d’un dispositif d’aménagement du temps de travail organisant une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines ou sur l’année) ;
- Un double de cet horaire collectif et des rectifications qui y sont apportées est préalablement adressé à l’inspection du travail.
Il est conseillé de conserver une preuve de cet affichage et des courriers transmis.
Soit celle d’un décompte individuel:
- Pour les salariés ne relevant pas de l’horaire collectif;
- L’employeur doit établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés (C. trav., art. L. 3171-2) ;
- Le CSE peut consulter ces documents ;
- La durée du travail de chaque salarié doit alors être décomptée selon les modalités suivantes (C. trav., art. D. 3171-8) : quotidiennement, par enregistrement, selon tous les moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies ;
- Principe :liberté pour l’employeur de choisir les modalités de décompte de la durée du travail.
Selon le ministère du travail, trois types de systèmes de contrôle de la durée du travail peuvent être distingués :
- les systèmes reposant sur un enregistrement automatique notamment informatique A ce titre celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;
- Les systèmes reposant sur un enregistrement manuel ;
- Les systèmes autodéclaratifs.
La preuve du temps de travail
Devant la juridiction sociale, en premier lieu le Conseil de prud’hommes, de nombreux contentieux portent sur des demandes salariales de paiement d’heures supplémentaires.
En cas de litige portant sur l’existence et le nombre d’heures réalisées, selon une jurisprudence constante,la preuve des heures de travail n’incombe spécialement à aucune des parties.
Le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées dont il réclame le paiement. De son côté, l’employeur doit y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Puis, le juge, au vu des éléments fournis par chaque partie, forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav., art. L. 3171-4 du Code du travail).
Ainsi, il s’agit d’un régime probatoire en deux étapes :
Etape 1 : il appartient au salarié d’apporter des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés.
Dans ce cadre, il a, par exemple, été jugé comme utilement produit par le salarié :
- son agenda personnel, corroboré par des attestations d’autres salariés (Cour de cassation, chambre sociale, 8-12-2010 n° 09-66.138 F-D) ;
- un tableau de décompte des temps de travail sans mention des horaires effectués (Cour de cassation, chambre sociale15-3-2023 n° 21-16.057 FS-B).
Etape 2: l’employeur doit répondre aux demandes du salarié en fournissant les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées.
Le Code du travail ne fournit pas de précisions quant à la nature de ces éléments.
La jurisprudence fournit quelques illustrations.
Exemples :
- Pour les salariés ne travaillant pas selon le même horaire collectif, l’employeur doit être en mesure de produire les documents imposés par les texte (Cf supra). A défaut, il pourra amener tout autre élément ;
- Pour ceux soumis à un horaire collectif, il a notamment été jugé comme justifiant les horaires effectivement réalisés par un salarié :un état circonstancié des heures travaillées par le salarié pendant la période donnant lieu à litige, comprenant les jours de la semaine, les dimanches et les jours fériés (Cour de Cassation, chambre sociale, 18-1-2011 n° 09-42.699 (n° 156 F-D) Sté Ambulances Teissandier c/ Goujon).
Remarques
Attention, il a été jugé récemment que l’employeur qui ne contrôle pas la durée du travail manque à son obligation de sécurité (Cour de cassation, chambre sociale, 5-7-2023 n° 21-24.122 (802) FS-B, Sté X c/ Syndicat de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT Technip France).
Conclusion
Aussi, il est primordial de suivre le temps de travail des salariés même en cas d’horaire collectif. Le contrôle par l’employeur est impératif.
Christelle VERDIER
TGS FRANCE AVOCATS
Avocate en droit social
Spécialiste en droit du travail
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